Les Uberpop du nautisme créent la polémique

Source : www.sudouest.fr

Récemment l’application Uberpop déchaînait les passions des taxis contre les VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur). Chargée de mettre en relation des utilisateurs avec des conducteurs particuliers à un tarif plus attractif elle est accusée de concurrence déloyale et risque une interdiction.Or ces échanges entre particuliers ne se limitent désormais plus exclusivement aux taxis. Covoiturage échange de services bons plans… Depuis quelques années les sites de locations entre particuliers fleurissent sur le web et touchent à présent le monde maritime.Un petit tour combien ça coûte ?La météo s’annonçant prometteuse pour les jours à venir je décide de sauter le pas en réservant une balade en mer. Port de départ : La Rochelle. Je me lance sur le web afin de comparer les différentes offres. L’office de tourisme rochelais qui recense 17 sociétés proposant des balades en mer apparaît en tête. Rapidement deux types de promenades émergent. Les sorties sur des navires à passagers qui proposent des tours vers Fort Boyard ou l’île d’Aix en compagnie d’autres touristes coûtent en moyenne 30 euros par personne la journée. Les balades en voiliers oscillent elles généralement entre 80 et 225 euros la journée par personne selon la prestation (initiation à la voile ou navigation détendue). Ensuite cap sur les sites de particuliers. Là encore il y en a pour tous les budgets. Les prix débutent à 67 euros la journée pour un voilier de huit mètres… et culminent à plus de 600 euros par jour pour un bateau de pêche de 13 mètres. À ce prix reste à espérer que la pêche soit bonne !Garder sa libertéÀ l’heure actuelle les Uberpop des bateaux s’appellent Samboat ou Clickandboat. Ces plates-formes mettent en contact des propriétaires de bateaux avec des personnes désireuses de faire de la voile. Camille Sinopoli est responsable de communication de Clickandboat. » Quand les propriétaires de bateau s’inscrivent ils choisissent leur formule explique la jeune femme. Soit la co-navigation où ils accompagnent les voyageurs pendant leurs sorties en mer soit la location pour laquelle les usagers doivent disposer d’un permis adapté. « Une inscription très simple pour un service dont les prix là encore défient toute concurrence. Martine propose par exemple son voilier de 830 mètres à partir de 67 euros la journée en co-navigation.  » C’est plutôt du partage sympathique dans l’esprit  » explique la retraitée qui fournit sandwichs boissons et bien sûr gilets de sauvetage.  » Moi je veux garder ma liberté choisir les jours où je navigue  » poursuit-elle se différenciant par là des sociétés professionnelles. Pour elle pas de risque de concurrence déloyale car les bases de voile qu’elle dispense sont limitées :  » Au contraire on incite les gens à se perfectionner. On leur donne du plaisir. « Amortir le prix du bateauMais tout le monde ne partage pas cet avis. Certains professionnels de la navigation de plaisance s’inquiètent fortement de la montée des offres de particuliers comme Fabien Clauw responsable de Mer Belle Événements.  » On souffre beaucoup de tous ces sites de co-navigation qui ont pris leur essor  » explique-t-il avec véhémence. » Si certains propriétaires sont seulement animés par leur volonté de faire partager leur passion d’autres au contraire se disent : “Et si j’amortissais le prix de mon bateau en emmenant des gens en mer ?”  » soupire-t-il. Martine de Clickandboat le rejoint sur ce point :  » Quand je me balade sur les sites je vois que certains prennent cher pour la journée. Ils vont finir par se faire taper sur les doigts. « Effectivement ces derniers pratiquent parfois des tarifs se rapprochant très fortement de ceux des professionnels sans disposer des mêmes brevets (le diplôme Capitaine 200 ou encore le statut de NUC lire ci-dessous) nécessaires à tout professionnel et sans être assujettis aux mêmes contraintes. Si Christian Malbach directeur du port de La Rochelle reconnaît la prolifération de ces usages entre particuliers frisant la concurrence déloyale –  » C’est un peu pervers cette participation aux frais d’entretien  » – le problème n’est pas de son ressort :  » Nous devons avant tout informer nos clients. « Des autorités démuniesAux Affaires maritimes en revanche le sujet a été pris à bras-le-corps. Depuis le début de l’été les contrôles se multiplient afin d’identifier les bateaux pouvant abriter des infractions comme le travail dissimulé ou l’exercice sans titre de commandement.Cependant ces contrôles s’apparentent parfois à chercher une aiguille dans une botte de foin.  » Ces plaisanciers qui se font de l’argent sous la table sont très difficiles à identifier  » soupire Stéphane un des contrôleurs. Et si certains se font épingler sur des sites comme Leboncoin les particuliers plus discrets ont encore de beaux jours devant eux en balade nautique.En chiffres100 : Soit environ le nombre de particuliers qui proposent leur bateau en location à La Rochelle sur Clickandboat.67 euros : C’est le prix le plus bas proposé par un particulier pour une journée en mer sur un voilier de huit mètres.17 : Le nombre de sociétés professionnelles de balades en mer recensées par l’office de tourisme de La Rochelle.Sous le pavillon belge la liberté Accompagné de sa petite chienne au pied marin Nicolas un professionnel du nautisme organise des balades en mer depuis le port des Minimes à La Rochelle. Lui aussi constate l’essor des locations de bateau entre particuliers :  » Ça a toujours existé c’est plutôt malin juge le jeune homme. Et puis surtout ce n’est pas vraiment illégal puisque la rémunération sert aux frais d’entretien du bateau. « Lui a trouvé une autre solution pour s’affranchir de certaines contraintes. Au-dessus de son bateau un large catamaran pouvant accueillir jusqu’à 12 personnes c’est un drapeau tricolore noir jaune et rouge qui flotte au vent. Nicolas a effectivement choisi de faire immatriculer son bateau sous pavillon belge.Ce dernier dispose d’un brevet de Master of Yachts obtenu en France après une évaluation par un examinateur anglais. Or pour faire de la promenade en mer accompagnée en France c’est le Capitaine 200 qui fait autorité.Radeau de survie facultatifCe brevet est une obligation pour les professionnels disposant d’un navire à utilisation collective (NUC) à l’intérieur des eaux territoriales françaises.  » Mon diplôme est international mais il me faut une dérogation pour qu’il soit reconnu ici  » explique Nicolas. Fatigué des procédures administratives le skipper a donc choisi de faire immatriculer son bateau sous pavillon belge. D’abord une raison pratique.  » Les Belges sont francophones  » plaisante ce dernier. Mais le véritable argument n’est pas la langue.Effectivement naviguer sous le pavillon belge comporte certains avantages : possibilité de naviguer à plus de six milles d’un abri sans posséder le permis hauturier ou plus de souplesse dans l’armement obligatoire qu’en France. Le radeau de survie par exemple devient facultatif. » C’est la liberté  » avoue le jeune homme qui demeure néanmoins très attentif à la sécurité de ses passagers et distribue même des casquettes pour protéger du soleil les passagers étourdis.D. L.